Je note : traiter le corps comme un décor. Picasso dit qu'il veut avant tout nommer. DIRE le nu, insiste-t-il. DIRE sein, DIRE pied,
DIRE main, ventre. Et puis ? La chair, la forme, l'odeur, la couleur,
la densité, la vie. Envisager cela avec une rage indescriptible. Et puis ?
Tout est ramené à cela : l'horizon, la lumière, la texture des tissus, du
papier peint, des accessoires. Le décor sert le nu. Le dessert corps le nu.
Le dénu sert le corps. Je ne peux m'empêcher, soudainement, de haïr
les nus de Modigliani. De vomir définitivement ceux de Renoir.
De souhaiter que ceux de Foujita soient détruits une fois pour toutes.
De rêver que ceux de Bonnard soient submergés par un raz-de-marée.
Si l'on m'écoutait, ce jour, à cette heure, l'exposition ne comprendrait
pas plus de cinq tableaux. Et serait interdite aux adultes - la limite d'âge
fixée à neuf ans. D'ailleurs, on aurait vidé tout le musée. Les cinq
tableaux seraient disposés dans des recoins particulièrement reculés
et il faudrait des heures de recherche avant que d'espérer pouvoir
en voir un. Toute cette chair étalée. Et puis ?